jeudi 18 juillet 2019

Quelqu'un pour qui trembler

Encore un Gilles Legardinier, comme ça, pour la route, Quelqu'un pour qui trembler, paru en 2015 chez Fleuve Editions.

Comment être un père quand on arrive vingt ans après? Pour soigner ceux que l'on oublie trop souvent, Thomas a vécu des années dans un village perdu en Inde. Lorsqu'il apprend que la femme qu'il a autrefois quittée a eu une fille de lui, ses certitudes vacillent. Il lui a donné la vie, mais il en a moins fait pour elle que pour n'importe quel inconnu.
Est-il possible d'être un père quand on arrive si tard? Comment vit-on dans un monde dont on ne connait plus les codes?
Pour approcher celle qui est désormais une jeune femme et dont il ne sait rien, secrètement, maladroitement, Thomas va devoir tout apprendre, avec l'aide de ceux que le destin placera sur sa route.

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Au départ, je n'étais pas spécialement emballée par le sujet mais je me suis dit, un Gilles Legardinier on ne peut pas se tromper. Erreur.
J'ai trouvé le début un peu laborieux, Thomas qui revient d'Inde et accepte un poste de directeur de maison de retraite pour se rapprocher de sa fille. Il va observer de loin la maison où elle habite avec sa mère, puis il l'observe à la sortie de son école d'infirmières. On attend le moment où il va prendre contact avec sa fille mais en fait non, il continue de l'espionner. Ce comportement, que je trouve peu crédible, m'a mis très mal à l'aise. Et il continue sur sa lancée, attention spoilers, il rachète toutes les affaires qu'elle vend en brocante, il interfère dans sa vie amoureuse, héberge son petit copain, le conseille sur comment la récupérer après qu'elle l'ait quitté, etc, j'ai trouvé tout ça hyper malsain et j'ai vraiment eu du mal à finir le livre. Et au final, Thomas n'a rien appris de ce qu'implique le rôle de père et c'était pourtant ça le sujet du roman.
L'infirmière de la maison de retraite est vraiment too much et sa romance avec Thomas pas du tout subtile, on la voit arriver à 15 km.
Heureusement les résidents sont des personnages attachants qui nous arrachent un sourire de temps en temps.
Mais tout ce petit monde suit Thomas dans ses délires à propos de sa fille, même les plus fous, ce qui n'est absolument pas possible pour des personnes saines d'esprit. Sa gestion de la maison de retraite et du contrôle de l'administration est carrément ubuesque, digne d'une mauvaise comédie avec Ben Stiller.
En résumé, à part les cinq personnes âgées de la résidence qui m'ont fait rire un peu, je n'ai rien aimé dans ce roman, ni les personnages principaux, ni l'histoire. Moi qui avait tant aimé les autres romans de Gilles Legardinier, je ressors déçue de ma lecture. On verra pour le prochain.

dimanche 14 juillet 2019

Le Chœur des femmes

Depuis le temps qu'on me le recommande, il était plus que temps que je lise enfin Le Chœur des femmes de Martin Winckler, publié pour la première fois en 2009 aux éditions P.O.L. Et je n'ai pas été déçue, ce livre est à la hauteur des ses critiques élogieuses.

Jean Atwood, interne des hôpitaux et quatre fois major de sa promo, vise un poste de chef de clinique en chirurgie gynécologique. Mais au lieu de lui attribuer le poste convoité, on l'envoie passer son dernier semestre d'internat dans un service consacré à la médecine des femmes.
Le docteur Atwood veut faire de la chirurgie, et non passer sont temps à écouter des femmes parler d'elles-mêmes à longueur de journée. Ni travailler pour un chef de service dont la réputation a tout pour lui déplaire.

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J'ai volontairement raccourci le résumé car je trouve qu'il en dévoilait trop.
On arrive directement avec Jean Atwood dans l'unité 77, service quelque peu particulier dirigé par le Dr Franz Karma. Ces deux médecins ont un avis bien différent sur la façon de traiter les patientes et forcément, ça va coincer. Qui a raison, qui a tort? Quels compromis trouver? Et si on commençait par demander leur avis aux principales intéressées, les femmes?
Ce roman est à la fois atroce et génial. Parce que ce qu'il raconte est vrai. Et que la vérité n'est pas toujours belle à voir.
Jean Atwood est absolument exécrable. Imbuvable, insupportable, le stéréotype du médecin qui se pense supérieur à ses patient.e.s parce qu'il a la connaissance. Tout le monde en a rencontré un comme ça dans sa vie. Sans forcément le remarquer, parce qu'on est habituellement de l'autre côté du bureau, on n'entend pas ce qui se passe en coulisses. Mais pourquoi ce comportement?
Franz Karma a mauvaise réputation. Pourquoi autant de femmes viennent le consulter et se confier à lui? Il y a forcément une raison, bonne ou mauvaise.
Et puis il y a toutes ces femmes, ces patientes, dont les récits se croisent et résonnent en nous, font écho à notre propre histoire, ou non. On ne peut rester insensible à leurs souffrances, petites ou grandes, surtout dans le contexte actuel de libération de la parole autour des violences obstétricales et gynécologiques, de menace des droits fondamentaux comme celui de l'accès à l'IVG.
J'ai eu la chance de rencontrer Martin Winckler lors d'un colloque sur les femmes et les violences médicales et de discuter un peu avec lui de son roman. C'est un formidable auteur et un formidable orateur. Ce livre est un véritable coup de poing et un véritable coup de cœur. Je l'ai dévoré en quelques jours, lisant jusqu'à 4h du matin. Le récit nous happe et nous horrifie en même temps, et nous donne matière à réfléchir. Il nous passionne tellement qu'on lui pardonne sa fin un peu rocambolesque.
A lire d'urgence si ce n'est pas déjà fait. Et si c'est fait, partagez, faites tourner (merci copine).