mardi 5 octobre 2021

La Rivières des âmes

Découvrir un roman de Mireille Calmel au détour d'une brocante, c'est toujours une bonne surprise. Même si j'ai été moins enthousiaste en lisant le résumé et en constatant qu'il s'agissait d'une histoire d'amour contemporaine, je n'ai pas hésité. Voici donc La Rivière des âmes, paru en 2008.


Maud, romancière à succès, étouffée sous le poids d'un secret : depuis quelques semaines, elle entend une voix d'homme, dans sa tête.
Dans un hôpital parisien, Vincent, brillant neurologue, tente de comprendre pourquoi il ne peut oublier une inconnue entraperçue dans un grand magasin. A l'autre bout de Paris, la nuit, un homme tue des prostituées rousses, avec une sauvagerie inouïe. Maud, Vincent et le tueur, trois chemins de vie qui convergent inexorablement. Trois destins dont la rencontre a déjà provoqué la passion et le drame, il y a très longtemps, au Moyen Age.
S'ils veulent conjurer ce passé, Maud et Vincent devront affronter leurs peurs, se battre contre leurs démons. Pour survivre, mais surtout pour gagner la confiance et l'amour de l'être qui, au-delà du temps, leur est destiné
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Avec ce roman, l'autrice sort de son registre habituel, le Moyen-Age, tout en gardant un lien avec cette période qui lui est chère. On retrouve d'ailleurs de nombreuses allusions à son roman Le Lit d'Aliénor, ce que j'ai apprécié, même si je crains que celleux qui ne l'ont pas lu ne soient un peu perdu.es.
En effet, le rythme est assez inégal et la narration un peu brouillonne. L'intrigue est longue à se lancer et quand on commence enfin à comprendre un peu ce qui se passe, bim, l'autrice nous sert toutes les explications sur un plateau en trois paragraphes. S'ensuit le dernier tiers du livre, qui du coup perd de son intérêt, et se termine sur une fin que je trouve trop rapide, avec des conclusions un peu bancales.

Si le personnage de Maud est bien développé et intéressant, avec ses failles et ses faiblesses, je n'ai pas accroché au personnage de Vincent. Le présenter comme un coureur de jupons qui se range parce qu'il aurait trouvé la femme de sa vie, très peu pour moi. Le fait qu'il soit très peu décrit n'a rien arrangé, on ne sait quasiment rien de lui alors que c'est un des protagonistes principaux! De plus, les deux personnages jouent au chat et la souris pendant la quasi-totalité du roman avant de tomber béatement dans les bras l'un de l'autre, parce que c'est le destin. Un brin cliché, dirons-nous.

Certains personnages secondaires tirent cependant leur épingle du jeu, notamment Véra Lavielle et le petit Gallagher, et nous arrachent tantôt un sourire, tantôt une larme.

Vous l'aurez compris, ce livre n'est pas un coup de cœur, l'intrigue trop tarabiscotée pour être crédible et le trop plein de clichés auront eu raison de moi. Néanmoins, il m'aura donné envie de reprendre Le Lit d'Aliénor, que j'avais lâchement abandonné, et qui est, je vous l'assure, mille fois meilleur.

Les Vilaines

J'avais repéré ce livre lors d'une masse critique de Babelio mais je n'ai pas été sélectionnée pour le recevoir. Aussi, quand je l'ai aperçu en tête de rayon à la bibliothèque, je n'ai pas hésité. Voici donc Les Vilaines, de Camilla Sosa Villada, paru en janvier 2021 aux Editions Métailier.


La Tante Encarna porte tout son poids sur ses talons aiguilles au cours des nuits de la zone rouge du parc Sarmiento, à Córdoba, en Argentine. La Tante – gourou, mère protectrice avec des seins gonflés d’huile de moteur d’avion – partage sa vie avec d’autres membres de la communauté trans, sa sororité d’orphelines, résistant aux bottes des flics et des clients, entre échanges sur les derniers feuilletons télé brésiliens, les rêves inavouables, amour, humour et aussi des souvenirs qui rentrent tous dans un petit sac à main en plastique bon marché.
Une nuit, entre branches sèches et roseaux épineux, elles trouvent un bébé abandonné qu’elles adoptent clandestinement. Elles l’appelleront Éclat des Yeux.

Premier roman fulgurant, sans misérabilisme, sans auto-compassion, Les Vilaines raconte la fureur et la fête d’être trans. Avec un langage qui est mémoire, invention, tendresse et sang, ce livre est un conte de fées et de terreur, un portrait de groupe, une relecture de la littérature fantastique, un manifeste explosif qui nous fait ressentir la douleur et la force de survie d’un groupe de femmes qui auraient voulu devenir reines mais ont souvent fini dans un fossé. Un texte qu’on souhaite faire lire au monde entier qui nous rappelle que « ce que la nature ne te donne pas, l’enfer te le prête ».

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Entre réalité et fiction, autobiographie et fantastique, Les Vilaines nous entraine dans le quotidien d'un groupe de trans en Argentine. A travers le regard de Camila, on découvre leurs joies parfois, leurs peines souvent, mais aussi leur énergie hors du commun malgré les épreuves et leur sororité.

Nous suivons la vie de ce groupe de femmes trans, prostituées par nécessité pour la plupart, affrontant chacune à sa manière l'adversité et la violence de la société à leur égard. C'est que la vie ne leur a pas fait de cadeau, à part peut-être cet enfant, abandonné dans un parc. Au gré des chapitres, nous découvrons le passé de Camila, sa famille et les relations plus que difficiles qu'elle a avec ses parents qui ne l'acceptent pas telle qu'elle est. Alternant avec l'avancée de la trame principale, les portraits des membres du groupe viennent enrichir le récit et nous montrer les multiples facettes de leurs vies.

Le style, à la fois réaliste et incisif, nous dévoile également toute la tendresse de l'autrice pour ses personnages. Un roman dur mais riche, dont on ne peut sortir indifférente.