jeudi 4 août 2022

Sortir de l'hétérosexualité

Un essai anti-sexiste reçu dans le cadre de la Babelio Masse Critique, Sortir de l'hétérosexualité de Juliet Drouar paru en 2021 chez Binge Audio Editions. 

Et si nous étions des personnes plutôt que des femmes ou des hommes ?

Notre société trie les enfants à la naissance en fonction de leurs organes génitaux et en déduit leur rôle: homme ou femme, dominant ou dominée. Mais la société ne s'arrête pas à cette différenciation arbitraire. Vient ensuite la mise en relation obligatoire : chaque dominée devra vivre en couple avec un dominant. Le tout, paraît-il, pour assurer la reproduction, donc la survie de l'espèce.
Mais dans ce cas, pourquoi être obligé de vivre en couple, toute sa vie ? Se reproduire ne prend pas autant de temps… Bien plus qu'une préférence amoureuse ou une nature, l'hétérosexualité n'est-elle pas une contrainte sexiste ?

Sortir de l'hétérosexualité est un manifeste pour une société égalitaire qui produit des personnes plutôt que des hommes et des femmes. Pour une société qui repense la manière de faire communauté, d'habiter, d'aimer, de baiser sans sexisme.

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Contrairement à ce qu'on pourrait penser au premier abord, il ne s'agit pas de changer d'orientation sexuelle mais de remettre en cause l'hétérosexualité en tant que système, voire cistème. Un système qui crée des discriminations et qui s'auto-entretient en classant d'office les personnes dans les cases hommes et femmes. Un système qu'on voudrait nous faire croire naturel et universel alors qu'il n'en est rien, comme nous l'explique l'auteur.e.

Un point de vue intéressant qui remet en perspective non seulement le sexisme, mais aussi le capitalisme, le racisme, l'homophobie, la transphobie, le validisme et autres.

Juliet Drouar nous montre aussi comment le sexisme se retrouve même à l'intérieur des groupes qui luttent contre et combien il est difficile de sortir de ce système. Difficile d'en sortir car pour obtenir des droits, il faut jouer le jeu du système et donc entretenir le système. Difficile d'en sortir quand on fait partie des moins opprimé.e.s, notamment quand on est une femme blanche cis hétérosexuelle. Iel explique très bien comment on est souvent "le cul entre deux chaises".

Pour sortir de l'hétérosexualité, il faut envisager autrement les gens, les voir comme des personnes avant tout autre critère, envisager autrement les relations, envisager autrement la reproduction.

Malgré une argumentation qui manque parfois un peu de clarté, un manifeste très intéressant qui propose de changer radicalement notre point de vue sur la société.

vendredi 24 juin 2022

Patriarcus l'Enchanteur

Repéré lors d'une masse critique Babelio, j'ai été intriguée par le titre et curieuse de ce qu'il pouvait contenir. Découvrons donc Patriarcus l'Enchanteur d'Alice Chaa et Puyo, paru en avril 2022 aux Editions Lapin.


Depuis l'arrivée d'Alix, la compagne du prince, rien ne va plus pour Patriarcus : « Comment ose-t-elle se détourner du grand grimoire des ancêtres patriarches ? Foi d'enchanteur, ce garçon manqué ne sera jamais une vraie princesse ! Il est temps d'intervenir ! Grimoire, miroir magique, philtre maléfique, petit pois terrible et souliers de verre... à vous de jouer ! »
Dame Alix passera-t-elle avec succès ces épreuves d'un autre temps ?

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Patriarcus l'Enchanteur vit confortablement dans un royaume tranquille. Mais voilà qu'Alix vient mettre son grain de sel dans son univers bien huilé. Qu'est-ce que c'est que cette princesse qui ne veut pas rester sagement dans la case qu'on lui a attribuée? Le vieux magicien ne manque pas d'imagination pour la mettre en difficulté et prouver qu'elle n'est pas une vraie princesse. Mais ce n'est pas si facile que ça de désarçonner Alix. Et puis, au fond, c'est quoi une vraie princesse?

Cet album est une belle découverte, une histoire simple avec un double niveau de lecture, un pour les enfants qui reprend des passages de célèbres contes de fée pour les mettre à mal et un pour les adultes avec des jeux de mots qu'on aura plaisir à lire et plaisir à expliquer plus tard. Une histoire drôle aussi, pour engager la discussion sur les stéréotypes de genre et remettre en question des choses qui nous paraissent établies.

Un bon moment pour petits et grands où l'on a très envie de dire à Patriarcus: "OK boomer".

dimanche 24 avril 2022

Nuits Blanches

Reçu dans le cadre de la Masse Critique Babelio, j'étais très curieuse de recevoir ce livre car j'ai croisé son autrice dans une vie antérieure, pendant nos études. Voici donc Nuits Blanches d'Ophélie Hervet paru en 2019 chez Reines de Cœur.



Dans les bas quartiers d'un Paris futuriste, Aurore chine dans les déchetteries à ciel ouvert le moindre bout de métal. La jeune femme, réputée pour ses qualités de mécanicienne-prothésiste, travaille dans l'atelier de son père récemment décédé. Recrutée par un hôpital aux pratiques peu scrupuleuses, la mécanicienne est heureuse de sortir de son quotidien précaire. Mais elle déchante aussitôt lorsqu'un gang la menace afin d'obtenir des informations sur Marc, le directeur de l'établissement. A la recherche d'indice, Aurore se rapproche d'Iris, la chirurgienne chargée de sa supervision. La jeune femme est rapidement troublée par l'attirance qu'elle éprouve pour sa supérieure. Au cœur de cette lutte de pouvoirs jalonnée de violents trafics, Aurore se retrouve tiraillée entre les menaces à l'encontre de ses proches et un potentiel amour qui s'offre à elle…

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Les habitués de la science-fiction se retrouveront sans peine dans l'univers futuriste de ce roman. C'est un schéma assez classique, avec les très riches d'un côté et les très pauvres de l'autre, les uns ayant accès à une technologie très avancée et les autres évoluant dans un climat violent et désespéré. Ce Paris clivé m'a beaucoup rappelé celui des romans de Jean-Marc Ligny (Inner City, la trilogie des Zapmen...).
Le thème des prothèses est aussi souvent abordé dans ce genre littéraire, notamment dans Les Brumes de Cendrelune que j'ai lu récemment.
Voilà pourquoi je suis rentrée dans ce roman avec hésitation, une page après l'autre, de peur de tomber sur du déjà vu. Et puis ce sont les personnages qui m'ont attrapée par la main et qui m'ont fait plonger dedans. Iris, la chirurgienne talentueuse mais victime du syndrome de l'imposteur, Aurore, la mécanicienne badass qui aspire à plus que la petite place qu'on lui laisse et leur rencontre improbable. Je ne saurais pas dire laquelle j'ai préférée.
Et puis, il y a aussi tous les autres, Jérôme l'infirmier et le soutien infaillible, Marc le directeur énigmatique et flippant, les Loups d'acier, redoutables membres de gangs. Les personnages sont bien travaillés avec leurs forces et leurs vulnérabilités. On les découvre au fur et à mesure bien plus complexes qu'au premier abord.
Leurs relations sortent de l'ordinaire, de l'hétéronormativité habituelle et ça parait tellement naturel à tous ces personnages qu'on se demande bien pourquoi ça coince autant dans la vraie vie. Ce changement est plus que bienvenu dans mes lectures.
J'ai beaucoup apprécié le système de narration qui nous fait passer d'un personnage à l'autre, parfois au milieu d'une action, et qui permet de bien voir les différents points de vue, de rentrer dans la tête des protagonistes.
Une intrigue bien ficelée même si plutôt convenue, une tension qui monte au fil des chapitres et un final qui s'accélère, de quoi bien nous divertir et nous faire tourner les pages de plus en plus vite.
Une dernière chose, qui est sans doute un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup, les scènes de chirurgie sont précises et réalistes. Et ça fait du bien un peu de rigueur médicale dans un roman. Personnellement, j'ai beaucoup de mal à voir l'anatomie maltraitée par des approximations parfois très grossières dans les livres ou dans les films.
En résumé, ce premier roman d'Ophélie Hervet est une très bonne découverte et je vais suivre ses futures publications avec intérêt.

lundi 28 février 2022

Anatole qui ne séchait jamais

Aujourd'hui, je vous présente un livre jeunesse qui sort de l'ordinaire, Anatole qui ne séchait jamais, écrit par Stéphanie Boulay, et illustré par Agathe Bray-Bourret, paru en 2018 aux éditions Fonfon.


Anatole est inconsolable, rien ni personne ne peut soulager sa peine. Jusqu'à ce que sa sœur Régine se donne pour mission de comprendre ce qui le rend malheureux…

Pour sa première incursion en littérature jeunesse, Stéphanie Boulay met en lumière une profonde quête identitaire. Un récit charmant et percutant sur l'acceptation de soi.

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Difficile de rester à l'étroit dans la case où l'on nous met, surtout si elle ne nous convient pas. C'est ce que Régine va découvrir en recherchant la cause de la tristesse de son frère. Et elle ne va pas ménager ses efforts pour lui rendre son sourire. Pourquoi y aurait-il des jouets de fille et des jouets de garçon? Des vêtements de filles et des vêtements de garçon? Et si nous pouvions juste choisir ce qui nous plait et être nous-mêmes? C'est ce que vont faire Régine et Anatole avec le soutien bienveillant de leur père.

Un récit plein de poésie, aussi bien dans le texte que dans les illustrations, pour découvrir ce qui nous convient, éloigner ce qui ne nous convient pas, oser être soi et être ainsi plus heureux.se. Une quête identitaire pour petits et grands, avec une famille atypique, de l'amour à revendre et de belles expressions québécoises. Un récit pour nous rappeler aussi qu'on a le droit d'être triste et que le bonheur est un chemin plus qu'une destination.

Commandé pour ma fille uniquement sur base du résumé, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Ce fût une magnifique découverte.

dimanche 27 février 2022

Crochet et littérature

Comment allier crochet et littérature? Avec une écharpe Harry Potter bien sûr! Une Gryffondor pour commencer, faite dans une laine toute douce, pour une de mes collègues de travail. Très simple à faire, il s'agit uniquement de brides, 20 par rang, avec un crochet numéro 9, environ 25cm de large pour 1m85 de long. Une Serdaigle est en cours et une Serpentard viendra peut-être. Et vous, quelle est votre maison?



mardi 9 novembre 2021

Lullaby

J'ai reçu ce livre dans le cadre de la Babelio Masse Critique. C'est la première fois que je lis cette autrice. Voici donc Lullaby de Cécile Guillot, paru en juin 2021 aux Editions du Chat Noir.

Etats-Unis, années 20.
Hazel aime écrire des histoires horrifiques et rêve de devenir écrivain. Son cœur bat pour sa jolie voisine, Blanche. Mais quand ses parents découvrent ses diverses inclinations, ils s'en indignent et décident de la faire interner à Montrose Asylum.
Là-bas, elle rencontre la fougueuse Jo et la fragile Lulla. Toutes les trois vont suivre la mystérieuse berceuse qui s'élève la nuit, les menant au sein d'un jardin abandonné…

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La première chose que l'on remarque, c'est la sublime couverture de ce roman. Vous ne le voyez pas à l'écran mais les feuilles et les papillons de nuit sont en relief et brillants, c'est juste magnifique.
La deuxième chose, c'est le format très court, à peine une centaine de page. On est presque dans une nouvelle. Je n'apprécie pas particulièrement ce format car j'ai souvent l'impression de rester sur ma faim. Mais soit, en avant.
Effectivement, la brièveté du récit nous plonge directement dans le cœur de l'histoire. Etats-Unis, années 20, une époque où les perspectives d'avenir sont limitées pour les femmes: trouver un mari et faire des enfants. Mais ce n'est pas à tout cela qu'aspire Hazel. Ce qui n'est pas du goût de ses parents qui la font interner dans un asile psychiatrique.
Hazel découvre un lieu à la hauteur de ses pires cauchemars, entre internements forcés et traitements relevant plutôt de la torture. Un endroit bien pratique pour enfermer celles qui dérangent, comme Jo ou Lulla. Toutes les trois vont tenter de découvrir ce qu'il s'y passe la nuit. Mais comment démêler le vrai du faux? Le rêve de la réalité?
Un univers immersif, riche de détails, rappelant le film Sucker Punch, une plume très agréable qui nous emmène là où elle veut, jusqu'à un twist final saisissant. Une superbe découverte. Un conseil: lisez-le d'une traite, la fin n'en sera que plus percutante.

lundi 1 novembre 2021

La Pâtisserie Bliss, tome 1

J'ai découvert ce livre au cours d'une chronique télé de Gérard Collard au magazine de la santé. Autant vous dire que ça date un peu. Mais je l'ai toujours gardé dans un coin de ma tête. Et j'ai enfin eu l'occasion de le lire. Voici donc La Pâtisserie Bliss, tome 1, de Kathryn Littlewood, paru en 2012, 2013 pour la traduction française.


La pâtisserie de la famille Bliss cache un secret très ancien: un livre de recettes magiques. Le jour où Rose et ses frères et sœurs se retrouvent seuls à tenir la boutique, ils se lancent dans quelques recettes un peu… spéciales. Mais les Muffins d'amour et les Cookies de la vérité vont transformer la petite ville de Calamity Falls en véritable maison de fous…

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Comme vous pouvez le constater, il s'agit d'un livre jeunesse. Un livre jeunesse comme je les aime, avec ce qu'il faut d'imagination et de folie pour nous faire croire des choses improbables, et une intrigue qui tient la route et ne prend pas les lecteurs pour des idiots. Il n'y a rien de plus agaçant pour moi que les romans jeunesse qui prennent les enfants pour des simples d'esprit. Je me suis laissée entrainée par cette histoire folle, par ce mystère et ces rebondissements, même si j'ai vu arriver de loin certains événements.

J'ai beaucoup aimé le personnage de Rose, avec ses doutes et ses espoirs propres à l'adolescence. On ressent son ambivalence entre faire plaisir à sa famille et faire ce dont elle rêve. Mais les deux sont-ils vraiment incompatibles? Sa tumultueuse et attachante fratrie ne fait rien pour lui faciliter la tâche.

Une chouette histoire mêlant réel et imaginaire, idéale pour se (re)plonger dans l'enfance et la pâtisserie.